Catherine Berbessou & Federico Rodriguez Moreno
TU, EL CIELO Y TU Compagnie Catherine Berbessou, création 2017
Federico Rodriguez Moreno est argentin : il est professeur d'éducation physique à Buenos Aires, 1990 il poursuit ses études en psychomotricité à l'université de Buenos Aires. Il côtoie les plus grands maîtres du tango argentin. Depuis 1991 il enseigne le tango.
Ces deux pédagogues hors pairs enseignent depuis de nombreuses années et vont nous faire découvrir les fondements et la profondeur de cette discipline. Ils sont précis, généreux et plein d’enthousiasme. Ils interviennent ensemble tout au long du stage.
Les hommes et les femmes ont tous deux un travail technique, dans des rôles différents et complémentaires. Pour les hommes l’apprentissage du guidage pour amener la femme dans l’improvisation exige des connaissances strictes de la structure du Tango. Pour les femmes le travail d’écoute est permanent : prendre son temps en gardant le rythme. Mais aussi avoir suffisamment de pratique technique pour savoir faire ce qui est demandé sans jamais l’anticiper. Ajuster la posture, celle qui saura donner une réponse au partenaire, et du corps à cette danse de couple. Quand la femme maintient la structure du Tango et prend la mesure de son rôle, les hommes peuvent improviser autour de cela.
La Compagnie Quat’zarts ou l’art du pas de deux - Dialogue entre Catherine Berbessou et Federico Rodriguez Moreno sur la richesse fascinante du tango argentin, qu’ils dansent et enseignent ensemble.
Frédérique Planet
Catherine Berbessou a travaillé chez Françoise et Dominique Dupuy. Interprète dans la compagnie de Claude Brumachon, puis celle de Joëlle Bouvier et Régis Obadia, elle crée sa propre compagnie en 1990. Sa rencontre avec Federico Rodriguez Moreno – qui a fait des études de psychomotricité en Argentine, avant d'enseigner le Tango en France et de rejoindre la compagnie Quat’zarts – lui ouvre des nouvelles voies pour s’approprier le tango argentin. Dans sa dernière création scénique, A fuego lento, Catherine Berbessou prend le risque de marier danse contemporaine et tango, joue avec l’inversion des rôles entre l’homme et la femme.
CB — Le tango argentin, nous l'avons tous dans un petit coin de la tête. Peut-être était-ce plus une musique au début pour moi ? Je l'ai découvert lors d'un bal, par hasard, en 1992 et j'ai eu envie de l'apprendre, d'évoluer dans cet univers. J'ai découvert aussi des danseurs, une musique. J'ai pris des cours, que donnaient d'ailleurs Federico. De fil en aiguille, nous avons travaillé ensemble. L'idée du spectacle A fuego lento s'est faite jour plus tard, lorsque nous avons commencé à faire des démonstrations en province, à Buenos Aires, dans des bals d'association. Envie pour moi de faire partager cet univers, que je lie à la danse contemporaine, pousser une réflexion sur la solitude, le couple, le désir, la violence, la complicité, le mal-être qui nous pousse vers un retour à la danse à deux. Beaucoup de gens tombent amoureux de cette danse, d'abord en la voyant. À partir du moment où ils mettent les chaussures et se balancent dans la danse, la sensation est à ce moment-là très forte. C'est une danse très vivante, qui s'appuie sur des relations humaines fortes, où son humeur compte infiniment et le climat de la salle également. Le tango argentin est une danse d'improvisation: l'homme guide et la femme écoute...
FRM — Il y a différents niveaux d'improvisation dans le tango. L'improvisation que l'on peut faire à partir des figures de base, une improvisation ou une interprétation qui se fait plutôt à partir de la musique, une improvisation-imagination qui fait surgir des choses dont on n'était pas conscient. Pour moi, l'improvisation c'est aussi à chaque fois que l'on danse avec quelqu'un un dialogue, un état d'âme du moment. Le tango n'est pas théâtral. Les gens dansent avec eux-mêmes, avec ce qu'ils sont et avec leur personnalité. Ils n'ont pas besoin de jouer un rôle. Le tango, ce n'est pas une forme. C'est surtout une relation de séduction.
CB — L'enseignement nous permet de rencontrer beaucoup de monde. Les gens dansent parce qu'ils en ont envie, mais ils sont aussi attirés par l'aspect de sociabilisation : la danse de couple, l'univers de bal. On n'apprend pas la danse, uniquement dans un studio de danse mais on peut l'exprimer dans un lieu ouvert. Tout d'un coup, il y a un échange. C'est gratiné de communication avec des codes et des regards. Cela répond à une attente de notre époque et je pense aussi que ce n'est pas un phénomène de mode.
FRM — Un bal à Buenos Aires est très différent d'un bal en Italie, en Angleterre ou en France. Finalement le tango, c'est une relation homme-femme par rapport à une culture, à une situation sociale. La danse évolue naturellement.
CB — Le tango argentin peut tenir à un fil. Il peut parfois tomber très vite dans la vulgarisation, dans un aspect tape-à-l'œil, mais être aussi d'une telle justesse et finesse. Cette danse a une grande pureté, une grande sensualité. Il est nécessaire d'être très exigeant quand on commence à danser le tango. C'est un travail très technique, les gens s'embarquent dans une histoire à laquelle ils ne s'attendaient pas. A Buenos Aires, on se rend compte que les gens ont appris toute leur vie.
FRM — Nous aimons beaucoup aller au bal, danser avec d'autres. Le bal, c'est un peu une cérémonie. Les gens s'habillent, se font beau. Ils veulent séduire. Il y a toute une préparation car ils vont partager une soi- rée, rencontrer quelqu'un.
- CB — Ils y vont pour le plaisir de la danse, vivre des instants très forts, être portés par la musique. Le bal a une couleur et une grande chaleur.